Avant
tout, tu voudras bien nous excuser d'avoir tant tardé à organiser
cette petite fête qui est, comme tu t'en doutes, faite pour
l'essentiel en ton honneur.
Tu
le sais, beaucoup d'événements se sont bousculés ces temps-ci et
pas des moindres. Il nous a fallu prendre du temps… le temps de
croire à ton prématuré départ.
Hélas
nous dûmes à l'évidence nous y résoudre. Certes, le temps pour
toi était venu, non pas de disparaître, mais plutôt de transmettre
le flambeau, les rennes du pouvoir, à ton digne fils et héritier
Rodolphe le bienvenu.
Bien
sûr, et surtout nous, les anciens, nous eûmes préféré te voir
orchestrer le dojo plus longtemps… Il en est autrement !
Sache,
cependant, que ta présence au Club et à l'école reste
indispensable. Elle nous rassure, nous entraîne; en quelque sorte
nous fidélise en ces lieux pleins d'histoires qui parfois nous sont
communes. Et puis, même si ta carrière de professeur d'arts
martiaux est bien entamée, il te reste à l'accomplir en veillant à
ce que ce bel esprit qui y a toujours régné perdure, et, pourquoi
pas, aller jusqu'à nous montrer la belle image qui m'est restée de
notre dernier voyage au Japon, dans le mythique dojo du KODOKAN. Toi
non plus tu n'as pas dû l'oublier ? Je te parle de ce vénérable
grand Maître, assis sur un simple banc en bois dans son habit de
kimono, s'appuyant sur son bâton de combat, hochant discrètement la
tête pour répondre aux saluts que tous les Judokas ne manquaient
pas de lui faire en passant devant lui, avant de rentrer sur le tapis
ou se déroulait l'entraînement. Son regard était vif et souriant,
quel bel âge il avait !
Oui
! Il te faut au bas mot encore une bonne génération pour lui
ressembler… Mais revenons à ces quelques 22 années passées :
En
1990, Maître Vallée que tous ici connaissent tant il a marqué nos
esprits, cherche en vain un repreneur de son École à laquelle le
Judo Club de Genève est intimement lié. La tâche n'est pas facile
tant les critères de sélection du maître sont exigeants <trouver
la bête rare ?>
Nous
allions vers l'échec quand soudain, nous eûmes l'écho qu'un ancien
élève de l'École et du Club, professeur de judo en France voisine,
semblait rencontrer certaines difficultés d'ordre administratif.
Belle aubaine ! Nous allions peut-être dénicher l'oiseau
rare ? Mais il fallait encore le convaincre
Avec
l'accord de Maître Vallée et de l'ensemble du comité en poste du
moment entièrement acquis en sa faveur, j'invite l'ami Jean-Michel,
accompagné de sa charmante épouse Évelyne à un subtil et
délicieux déjeuner "d'affaire" à l'Auberge d'Hermance.
J'obtins ce soir-là la certitude que Jean-Michel PEYVEL ferait le
grand saut, passe la frontière et qu'il souhaite, en bonne entente
avec Maître Vallée, prendre en main les destinées de l'École, et
par là-même, celles du Judo Club de Genève.
Il
restait cependant quelques difficultés administratives à résoudre :
Permis
de travail : selon renseignements pris par François Zosso, il
n'y aurait aucune entrave.
Création
d'une S A : J-P Renggli, membre du club, t'apportera son
inconditionnel soutien. Il sera remplacé par la suite par Jan
Duchêne, également membre du Club.
Tout
alla très vite ! C'est donc avec la bénédiction de Maître
Vallée et d'un comité qui t'était tout dévoué que l'École et le
Club, en ces années, reprirent un second souffle.
Grâce
à toi, Jean-Michel; grâce à ta grande expérience dans
l'enseignement du judo et de l'aïkido, expérience acquise en
France, en Suisse, mais également par de longs stages au Japon. Tu
as su faire grandir le club, su maintenir en son sein l'esprit budo,
su garder également l'esprit de compétition nécessaire et
indispensable qui a fait la réputation du Judo Club de Genève.
En
ce temps-là (comme le dit la chanson) nous étions toujours dans le
petit et mythique dojo de la rue Jules-Crosnier (dans ma cave comme
aimait le dire Maître Vallée… et toi aussi je crois ?)
Tant d'histoires, tant de sueur, tant d'élèves, tant d'illustres
judokas et aïkidokas, tant de souvenirs nous y retenaient …mais un
grand besoin d'oxygène pour toi et pour tes élèves devenus plus
nombreux t'oblige à chercher une plus grande salle, à la hauteur de
tes ambitions.
La
chance te sourit une nouvelle fois : elle se présente sous la
forme d'un vieux garage, certes assez grand, mais flanqué au centre
de deux piliers mal venus. Ce garage est situé fort heureusement à
quelques centaines de mètres de l'actuel dojo.
De
nouveau autour d'une table de bistrot et plus pour te rassurer, je
pense, tu présentes le projet à Maître Vallée et à Monsieur Gay
(en son temps président du Judo Club de Genève). Combien de fois
ils avaient eux, tenté cet exploit sans y parvenir…!
Ta
décision est déjà prise et rien ne va t'arrêter, ni le
scepticisme modéré de certains, ni même les travaux conséquents
et coûteux qu'il te faut entreprendre.
Quelques
mois vont suffire pour faire apparaître un magnifique dojo lumineux,
naturellement aéré, de conception nouvelle, parfaitement adapté à
l'espace disponible, avec pour signature un tapis d'entraînement de
300 m2
Que
demander de plus pour nos actuels et futurs élèves et combattants ?
Bien
sûr, cette transformation si bien réussie est aussi très
onéreuse ! Pour une énième fois, les dieux sont avec toi :
ils mettent sur ton chemin, lors de la mémorable manifestation du
50e
anniversaire de l'existence du Judo Club de Genève, un ancien membre
du Club, plusieurs fois champion suisse de judo, en la personne de
l'ami Claude Tournaire. Il aura la complaisance et la générosité
d'apporter sa pierre à l'édifice "sa façon à lui, nous
dira-t-il, de marquer sa reconnaissance au Judo Club de Genève".
Ainsi
donc vint le jour du déménagement, en avril 1999. En grande pompe,
l'insigne du club décroché de notre ancien dojo est transporté à
pédibus par les élèves jusqu'au nouveau dojo; il trouve
naturellement sa place accroché entre deux maximes chères au
professeur Jigoro KANO.
Avec
ce bel outil de travail, tes compétences en la matière, ton
savoir-faire, un comité prêt à t'épauler et la presque totalité
des membres qui ont suivi, tu ne pouvais que réussir. Car en toi la
passion de l'enseignement restait vivace.
Il
en est passé depuis des têtes sous le Torii du porche de la rue
Goetz-Monin. La section aïkido s'est considérablement développée,
en judo, nos équipes se sont faites et refaites, plus performantes,
pour arriver comme au bon vieux temps, jusqu'en Élite.
Beaucoup
d'exploits collectifs mais aussi individuels, beaucoup de
satisfactions personnelles sont à mettre à ton compte tout au long
de ces années passées; nous t'en sommes particulièrement
reconnaissants et t'en remercions sincèrement.
Non !
Jean-Michel ce n'est pas un adieu, disons plutôt une franche marque
de sympathie de la part de tous ici et de tous ceux absent
aujourd'hui mais qui, sur leur chemin, t'ont un jour rencontré au
Club et à l'École
Nous
souhaitons que ta présence dans le dojo ne fasse pas défaut.
Tant
ton fils Rodolphe que le comité du Judo Club de Genève,
nouvellement rafraîchi, sauront prêter beaucoup d'attention à tes
précieux et avisés conseils.
Et
surtout, que la passion pour les arts martiaux t'habite tout au long
de cette préretraite puisqu'il nous faut l'appeler ainsi.
Franco